poème
Ecrit pour le premier janvier 2007
Je vous écris d’un pays de rocs où l’écume inlassablement recouvre le sable des paillettes du mensonge
Je vous écris d’un pays oublieux de son histoire de ses chemins au faîte des causses noirs un pays déserté de la parole humaine et des rêves d’océans fraternels
Je vous écris d’un pays assassiné par des bandits aux costumes de fossoyeurs aux trismus figés sous les faux-semblants des sunlights
Je vous écris d’un pays de plaines parfaites lisses sous le pas pesant de la bêtise
Je vous écris d’un pays sans ferveur sans révolte ni poings dressés à la face des puissants sans cris autres que la plainte et la prière
Je vous écris d’un pays de silence d’âmes mortes effarées errantes épouvantées dans la nuit des cités de façades opaques d’ombres dormant au creux des porches codés
Je vous écris d’un pays de sang de douleurs sous les clameurs des charognards un pays de chairs meurtries par des siècles d’obéissance
Je vous écris d’un pays aux senteurs de cadavres dans les fosses communes des banques de mots emprisonnés dans les carcans des croyances archaïques
Je vous écris d’un pays muselé par les petits marquis paradant sur le bleu des écrans
Je vous écris d’un pays de peuples endormis et dont les cauchemars grondent comme autant de fleuves impuissants
Je vous écris ô mes amis flamboyants vous qui croyez encore à ce je ne sais quoi de l’espoir que nous ne savons plus nommer et qu’il faudra bien à la fin à la fin de ce temps navré extraire encore une fois des tourbes d’enfer
Je vous écris pour le chant ressurgissant du plus profond de l’argile avec cette béance des lèvres cherchant le souffle et ce feu des yeux que nulle paupière ne peut éteindre et ce mouvement en arrière de la nuque refusant la corde
Je vous écris dans la nuit bruyante des douleurs ignorant si l’aube lavera la page taguée d’inquiétude et de toutes les couleurs qu’on imagine au monde depuis ce pays qui fut de lumières et s’éteint si vite sous le boutoir des marchands
Je vous écris dans l’attente du jour dont nul ne sait s’il ne sera pas semblable à la nuit.
Jacques Thomassaint