Moi y en a être français de souche !

Publié le par jacques thomassaint

UN FRANCAIS DE PURE SOUCHE

 

            732. Fin de la bataille de Poitiers. Près d’un village à demi ruiné, il est laissé pour mort sur un champ de bataille et de blé mûr. Les armées se sont retirées.  Las des batailles, abandonné d’Allah,  il décide que sa guerre est finie, jette uniforme, épée, oriflamme et casque de cuir au creux d’un fossé. Il a traversé l’Espagne, combattu Andalous et ibères, et n’est sarrasin que par hasard de la naissance.

            Une veuve berrichonne, dont l’époux angevin git quelque part sous une croix chrétienne, lui ouvre sa porte, ses bras, ses cuisses, sa cave et son garde-manger. Il se convertit à la France rurale sans regret. Trois enfants naissent de cette union pacifiste, enfants qui se découvriront au fil des ans, dans les villages voisins, des cousins par le sang et d’autres par l’alliance.

            Passe une troupe de bohémiens magyars. Le fils aîné s’éprend de la belle danseuse, de ses cheveux noirs et de ses yeux bleus, et s’empresse de lui faire un enfant. Celui-ci est très vite suivi d’une ribambelle de frères et sœurs. Comme de coutume, presque tous mourront de famine pendant un hiver particulièrement glacial.

            Le seul survivant, plus solide, cherche à son tour l’âme sœur.

            Elle vient de Basse Bretagne, chassée par la misère et les maladies. Le seigneur local, vieil ivrogne analphabète, jouisseur et syphilitique, découvre que son droit de cuissage a été bafoué, s’en console en brûlant quelques masures paysannes et en redoublant d’ardeur à sodomiser les gitons échangés à l’un de ses suzerains contre un troupeau de moutons.

            La belle d’Armor décède en mettant au monde un garçon que sa grand-mère élèvera jusqu'à ce qu’il s’engage  dans la troupe pouilleuse d’un hobereau vendéen désargenté rêvant de gloire.

            Celle-ci n’est pas au rendez-vous. Le jeune homme découvre un peu du vaste monde, (que l’église romaine et inquisitoriale affirme, tortures à l’appui, plat comme une hostie), en même temps qu’une morvandelle rondelette et peu farouche. Ils auront deux fils, au regard noir évoquant cette Italie d’où émigra leur grand-père. Ces deux fils vieillissent à leur tour, se marient, et fondent quelques générations de gaillards et gaillardes fièrement bourguignons.

            L’un d’eux préférera les voyages à l’agriculture encore biologique. Il s’en ira explorer Russie et Pologne, avant d’étudier à Venise la scolastique d’Anselme et d’Abélard. Il rapportera chez les siens l’usage du zéro et de la fraction décimale empruntés aux hindous.

            Vint l’an mil. Prédicateurs hystériques et autres illuminés affirment la fin du monde venue. La bêtise leur survivra jusqu’à nos jours, hélas !

            Mais rien ne vient. Tout continue.

            Le voyageur épouse une flamande rubiconde, la trompe sans vergogne avec l’arrière petite-fille d’un nobliau espagnol ruiné mais jovial reconverti dans la gestion toujours lucrative d’un lupanar ambulant. Cette madrilène donne la vie à cet ancêtre que notre famille évoque encore aujourd’hui avec nostalgie pour sa vigueur au lit et le nombre de ses conquêtes féminines et masculines ! Il en meurt, vérolé jusqu'à la moelle des os comme un roi de France.

            Quelques-uns de ses descendants survivent aux fléaux successifs ou simultanés de ces époques magnifiques et moyenâgeuses : guerres, invasions, jacqueries, peste, variole, inquisition, croisades... À la suite de la dernière de celles-ci, l’un d’eux rapporte, parmi des restes de pillages et sacs sanglants, les chiffres arabes en usage actuellement, un alezan harnaché de cuir et une fille d’Ethiopie volée à un sultan persan.

            Cette beauté noire dotée de rondeurs moelleuses par l’usage exagéré du loukoum, est fort convoitée. Apparemment fidèle, elle engendre une kyrielle d’enfants dont le teint varie du plus pâle au plus sombre sans que leur père putatif ne s’en étonne. Leur nombre ne permet  pas des humanités prolongées. Il faut à chacun trouver sa subsistance.

            1270. L’un d’eux entend parler d’un certain Marco Polo, qu’il rejoint. Il parvient en Chine, y gagne quelques pièces d’or et l’estime de ses compagnons, en rapporte la poudre noire, la boussole, l’encre et quelques autres inventions, mais pas de femme ! Les pieds des chinoises sont trop petits, prétend-il !  Il épouse, sans joie, une descendante d’esclave égyptien et de péripatéticienne napolitaine ayant un sens aigu du commerce, s’établit dans la future Marseille, où il trafique avec les négriers d’Afrique, les bijoutiers d’Orient et les épiciers napolitains.

            Son fils, attiré par les récits de son père - lequel mélange sans vergogne ses propres vagabondages avec ceux d’autres aventuriers -, se découvre l’âme aventureuse. Il part avec les armées royales et quelques bandes avinées pour une guerre qui, dit-on, durera un siècle. Il en revient bien avant la paix finale avec une bergère flamande qui n’a écouté que l’appel de son cœur.

            On sait que, plus tard, leurs petits-fils séjournent en Italie, découvrent la mosaïque, la peinture, les livres et la musique. Ils en reviennent avec des enfants à l’accent de Ravenne, aux cheveux couleur jais, et dont la mère a refusé de quitter sa Lombardie natale. On sait aussi que d’autres, toujours assoiffés de découvertes, profitent des leçons d’Henri dit le navigateur, écrivent cartes et portulans, et s’installent aux Indes qui ne sont pas encore les Amériques.

            La terre devient enfin sphérique. La Renaissance n’en supprime pas pour autant l’ordre féodal. Arrivent à nouveau des envahisseurs espagnols, belges, flamands. Les siècles avancent lentement. L’histoire aussi.

            1789. Il est certain qu’un descendant de cette famille est remarqué près du Louvre. Il brandit une pique surmontée d’une tête de ci-devant dégoulinante de sang. Carmagnole et Marseillaise l’accompagnent. Il épouse cependant la fille d’un royaliste guillotiné, et, une génération passée, devient grand-père d’un bourgeois louis philippard, père à son tour d’un futur communard  qui échappera de peu au massacre perpétré par les versaillais aux ordres de ce bon monsieur Thiers.

            Le fils de ce révolutionnaire, prudent,  émigre aux Amériques qui ne sont plus les Indes. Il y fait la connaissance d’un chef  Sioux extrêmement cultivé dont il épouse la fille. Elle meurt en mettant au monde des triplés. Lui, sa vie finissant, revient en Bretagne. Ses fils, « Ombre du matin furtif » et « Belette qui fuit dans les hautes herbes », devenus Loïck et Yvon, s’établissent marins pêcheurs. Sa fille, « Celle qui rêve au coucher du soleil », renommée Gwenaëlle, fait une excellente tenancière de taverne à matelots.

            1917. La grande boucherie. Loïck meurt sur au Chemin des Dames, Yvon épouse une alsacienne qui ne parle qu’allemand et que le climat atlantique rend presque gracieuse. Leurs enfants, malgré les charmes de la vie armoricaine, émigrent vers les plaines de Beauce et de Brie chercheuses de main-d’œuvre corvéable à merci. Ils y resteront.

            Front populaire et guerre d’Espagne. Ils s’engagent, trotskyste et communiste, aux côtés des républicains espagnols. Le premier est tué  quelque part au bord du Guadalquivir. Au retour, le second est interné par la police française et pétainiste, échappe à la déportation, s’engage dans un maquis FTP, puis, la guerre finie, arrive à Paris au bras d’une jolie basque aux ascendances roumaines.

            Ce couple, les épreuves passées, donne naissance à un garçon, lequel rencontre une jeune métisse sino-indo-malgache au cours d’une escale de la « royale » dans le port de Johannesburg.

            Je  suis né de cette longue lignée.

            C’est la preuve, irréfutable, indéniable, évidente, naturelle, véridique, généalogique et logique que moi, arrière petit fils de breton sioux, d’indien angliciste et de berbère de Mandchourie, arrière petit cousin d’un lointain pakistanais et neveu d’un viking blond des Andes, descendant de basque hongrois et de russe égyptienne, fils de beaucerons parisiens et de chinois celtes, je suis, qu’on se le dise, un français de pure souche !

           

 

ce texte peut être diffusé. Merci de le signer du nom de son auteur : Jacques Thomassaint

Publié dans politique

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J
<br /> Bonjour jacques, Il y a longtemps que je n'étais pas venu faire un tour sur ton super blog que je redécouvre avec plaisir.<br /> <br /> <br /> Je te pique ton texte et le publie sur Facebook:!!!<br /> <br /> <br /> besos amigo<br />
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F
<br /> Comme Serge, je m'exclame : MAGNIFIQUE !<br /> <br /> <br /> J'ai souvent dit la même chose et j'aurais été drôlement fière d'écrire ce texte.<br /> <br /> <br /> Bravo Jacques et MERCI de ces propos, surtout en ce moment !<br />
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<br /> Magnifique, Jacques.<br /> <br /> <br /> Oui, je le diffuse.<br />
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