Vous me la contez belle !

Publié le par jacques thomassaint

 Les animaux malades de la peste (version 2007)
 
Un mal qui répand la terreur
Mal que le capitalisme en sa fureur
Inventa pour plaire aux riches de la terre
La sarkosyte (puisqu’il faut l’appeler par son nom)
Capable d’enrichir en un jour les stocks options
Faisait aux pauvres la guerre ;
Ils n’en mouraient pas tous mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés à chercher
Le soutien des mourants partis de gauche
Nul tract n’excitait leur envie
Ni le discours d’une Ségolène n’attirait
Les électeurs et leurs nombreuses voix ;
Les syndicats se désespéraient :
Plus de lutte, partant plus de joie.
Fillon tint conseil et dit : « mes chers amis,
Je crois que l’histoire a permis
Pour nos erreurs cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du populaire courroux ;
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait des pareils dévouements[1] ;
Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits de pouvoir
J’ai oublié force leçons de l’histoire.
Que m’avait fait celle-ci ? Nulle offense ;
Même il m’est arrivé parfois de manger
Mes adversaires.
Je me dévouerai donc, s’il le faut : mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi ;
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse. »
- Premier ministre, dit le Bayrou, vous êtes trop bon second ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse.
Hé bien ! Détruire cocos, canaille, sotte espèce,
Est-ce un pêché ? Non, non. Vous leur fîtes, seigneur
En les croquant beaucoup d’honneur …
Ainsi dit le Bayrou ; et flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
Du Jospin, du Hollande et autres puissances
Les moins pardonnables offenses :
Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples militants,
Au dire de chacun étaient de petites gens.
Buffet vint à son tour, et dit : j’ai souvenance
Qu’en un temps lointain
Le doute, l’ignorance, et je pense,
Quelque Staline aussi nous poussant
Nous prîmes avec le peuple quelque distance.
Nous n’en avions nul droit, puisqu’il faut parler net. »
A ces mots on crie haro sur le PC.
Un présentateur de télé prouva par sa harangue
Qu’il fallait sacrifier ce maudit parti,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout le mal.
Il fut aussitôt jugé un cas pendable.
Se tromper à ce point, quel crime impardonnable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
 
Selon que vous serez puissant ou misérable
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
 
 
Jacques Thomassaint,
avec l’aide involontaire de Jean de la Fontaine
 
 
 et pour ceux dont la mémoire flanche, voici l'original :
 
Les animaux malades de la peste.
 
Un mal qui répand la terreur,
            Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom),
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
            Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés:
            On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie;
            Nul mets n'excitait leur envie,
            Ni loups ni renards n'épiaient
            La douce et l'innocente proie;
            Les tourterelles se fuyaient:
            Plus d'amour, partant plus de joie.
Le lion tint conseil, et dit: «Mes chers amis,
            Je crois que le Ciel a permis
            Pour nos péchés cette infortune;
            Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux;
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
            On fait de pareils dévouements
Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence
            L'état de notre conscience
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,
            J'ai dévoré force moutons.
            Que m'avaient-ils fait? Nulle offense;
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
                        Le berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut: mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi:
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
            Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse.
Eh bien! Manger moutons, canaille, sotte espèce.
Est-ce un péché? Non, non. Vous leur fîtes, Seigneur,
            En les croquant, beaucoup d'honneur;
            Et quant au berger, l'on peut dire
            Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
            Se font un chimérique empire.»
Ainsi dit le renard; et flatteurs d'applaudir.
            On n'osa trop approfondir
Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances
            Les moins pardonnables offenses:
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'âne vint à son tour, et dit: «J'ai souvenance
            Qu'en un pré de moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense,
            Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.»
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout le mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui! Quel crime abominable!
            Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait: on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
 


[1] Sacrifice

Publié dans politique

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